Par une chaude matinée d’été, je me suis rendue au cœur de la campagne euroise à la rencontre d’un apiculteur récemment installé dans le département : le Rucher des Authieux. Tout droit venu de la Seine-Maritime, Laurent Campbell a choisi la commune de Bois-Anzeray, à 15 minutes au nord de Rugles, pour y implanter son rucher.

Sur place Laurent exploite une vingtaine de colonies, mais il a la charge d’environ 80 ruches sur les terres de particuliers aux alentours. Comme il l’explique ; « J’ai commencé l’apiculture par passion pour les abeilles en 2015 et je suis tombé sous le charme de ses belles butineuses et plus largement pour la nature et l’environnement. C’est comme cela que le projet du rucher pédagogique et participatif a commencé.». Ici, à Bois-Anzeray, il propose le fruit de son travail dans une jolie petite boutique, mais surtout, il accueille les individuels et les petits groupes pour leur faire découvrir son métier et sa démarche dans le plus grand respect de l’insecte et de la biodiversité.

C’est ainsi qu’après avoir pris rendez-vous, nous voilà, moi et mes deux enfants de 5 et 8 ans, sur le point de visiter le Rucher des Authieux.

Nous débarquons tous les trois dans le hameau des Marnières, à la ferme d’Agapé. Agapé, en grec, signifie l’amour « divin » et « inconditionnel », celui des principes. Elle porte bien son nom car le Rucher des Authieux, qui s’est installé dans cette ferme, voue un amour inconditionnel à la nature et à l’abeille en particulier.

Face à nous se dresse une immense fresque peinte récemment par un artiste local. Pas de doute, nous sommes au bon endroit.

Dès notre arrivée, la curiosité de mes enfants est attisée de toutes parts. Ici un hôtel à insectes, là une abeille géante au pied de pommiers, plus loin, une balançoire est suspendue sur un arbre au milieu d’une pâture dont les herbes sont volontairement laissées hautes.

A cette époque de l’année, la végétation est pauvre et sèche. Mais nous imaginons aisément qu’au printemps, les abeilles butineront avec plaisir au milieu d’une variété de plantes sauvages, d’un potager en éveil et d’un verger en fleurs.

Laurent s’apprête à emmener un groupe d’individus vêtus d’étranges combinaisons vers ses ruches. Il s’interrompt quelques secondes pour nous accueillir et offrir à mes deux enfants deux seaux de granules. En attendant notre tour, nous allons faire connaissance avec deux jeunes ânesses que ma fille et mon fils vont nourrir avec joie ! Les deux bêtes sont douces. Elles nous approchent avec gourmandise et se laissent caresser avec plaisir. Depuis notre dernière visite, 1 ânon (Trotro) est né et 3 chèvres ont rejoint le domaine.

A côté d’elles, de jeunes poules et canetons jouent dans une grand récipient d’eau mis à leur disposition. Les enfants sont conquis. Mais il fait chaud et nous décidons de revenir vers la boutique pour s’installer à l’ombre.

Laurent nous a confié des combinaisons à enfiler dans le hangar que nous avons aperçu à notre arrivée. Ici nous sommes au frais. A l’étage de ce bâtiment est aménagée une salle pédagogique pour accueillir les groupes et stagiaires apprentis apiculteurs. Quatre bancs de pierres nous permettent d’enfiler plus facilement ces combinaisons intégrales. Avec nos gants et nos chapeaux voilés, nous ressemblerons à de véritables cosmonautes !

Une autre famille se joint à nous et la visite peut commencer. Laurent nous présente dans un premier temps sa démarche et son projet. Comme nous avons pu l’observer à notre arrivée, l’idée est de travailler en harmonie avec la nature. Ses méthodes d’apiculture et d’une manière générale, l’entretien de la ferme et ses espaces verts lui confèrent tout naturellement le label d’Agriculture Biologique.

Puis nous nous approchons d’une ruche vide et l’apiculteur commence à nous dévoiler le fonctionnement extraordinaire et méticuleux d’un essaim d’abeilles. Larves, ouvrières, faux bourdons, reine… Nous faisons connaissance avec les différents membres de la colonie. Pollen, gelée royale, propolis, miel… Nous explorons les vertus des produits issus de la ruche. Alvéoles, cadres, hausse, portes… Laurent démonte la ruche et nous explique le fonctionnement et les compartiments de cette étrange « maison-usine-pouponnière » ! Au fil de son discours, il nous invite à l’interrompre pour le questionner. Il adapte ses explications aux petits et aux grands. Il n’hésite pas à se mettre à hauteur d’enfant pour éveiller leur curiosité et observer leurs réactions. Nous sommes tous très attentifs. Notre curiosité est éveillée et les questions se font nombreuses.

Vient ensuite le moment le plus impressionnant : l’immersion au cœur des ruches. Nous parcourons quelques centaines de mètres puis Laurent nous invite à revêtir chapeaux et gants. Après avoir rappelé quelques règles de sécurité et vérifié la parfaite imperméabilité de nos combinaisons, il nous invite à approcher une dizaine de ruches en activité.

Laurent expliquant comment s’approcher de ses ruches

Chacun d’entre nous se penche par dessus une ruche afin d’observer les ouvrières entrer et sortir, les pattes arrières couvertes de pollen. Puis, Laurent ouvre l’une d’entre elles et sort délicatement un cadre couvert de plusieurs centaines d’individus.

Devant cette activité inhabituelle, les gardiennes se manifestent et tournent autour de nous. Mon fils n’est pas rassuré. Il recule et se cache derrière moi tout en guettant les gestes de Laurent afin de ne pas manquer une miette du spectacle ! Le bruit du bourdonnement est plus intensif mais nous nous sentons en parfaite sécurité dans nos combinaisons. Il fait plus chaud, et le filet qui protège nos visages ne laisse pas beaucoup passer l’air. Nous mesurons la difficulté des conditions de travail d’un exploitant de ruchers en plein été.

Avec des gestes lents et mesurés, Laurent nous montre les alvéoles où sont stockés le pollen ou le couvain (œufs et larves). L’apiculteur excite notre curiosité en évoquant que, parfois, on a la chance d’assister à la naissance d’une jeune abeille ! Ce ne sera pas notre cas aujourd’hui. En revanche, nous allons pouvoir admirer la reine qui, marquée d’un point bleu, est facilement repérable.

Nous sommes invités à quitter les ruches et à retourner sur nos pas pour la suite de la découverte. Nous ôtons nos combinaisons et sommes heureux de retrouver l’air frais ! Cette expérience au plus proche des abeilles a soulevé de nouvelles questions que nous nous empressons de poser à l’apiculteur.

Le miel n’est pas un produit alimentaire acquis. En effet après le dur labeur des abeilles de la fleur à la ruche, puis une transformation au cœur de la ruche, l’apiculteur prend le relais : extraction, filtration, maturation et conditionnement. Laurent nous présente les machines par lesquelles transite le miel avant de prendre l’aspect que nous consommons.

Et puisque les enfants ont l’eau à la bouche, une séance de dégustation s’impose ! Nous nous rendons dans la boutique et Laurent nous propose quelques miels à déguster. Miel toutes fleurs, pâte à tartiner, miels à cuisiner, nougat… Il nous présente les possibilités de déclinaison du produit associé à des saveurs originales.

C’est sur cette note savoureuse que s’achève notre découverte. Ça tombe bien, il est l’heure de déjeuner et cette dégustation nous a ouvert l’appétit ! J’ai soudain comme une envie de salade du jardin assaisonnée au miel et yuzu. Et pourquoi pas un fromage de chèvre arrosé de miel d’été en dessert …

Cette visite a été une belle découverte familiale à la fois pédagogique et riche en émotion. Nous n’avions jamais approché les abeilles de si près et cette expérience reste mémorable pour les petits comme les grands. Pour les plus grands, elle nous rappelle l’importance et la fragilité de cet insecte. Pour les plus jeunes, elle sensibilise à la protection de la biodiversité naturelle. Il me vient une envie soudaine d’ajouter quelques fleurs à notre jardin…