Ouvert au public depuis 2014, ce donjon du XIIIème siècle est un véritable symbole du passé médiéval de la ville. Ce monument abrite une exposition qui s’est étoffée au fil des années et attire aujourd’hui plus de 4 500 visiteurs par an.

Construite en 1204 par Philippe Auguste, la tour, édifiée en dehors de la ville, avait pour fonction de renforcer ses défenses et de permettre au roi de marquer sa domination. Il faut attendre la deuxième moitié de la Guerre de Cent Ans pour y voir se dérouler des faits militaires. Elle participa à la défense du château et, à la libération de la ville en 1449, subit d’importants dommages, notamment sur sa toiture. Elle fut classée Monument Historique vers 1811. Avec les restes de remparts situés autour de l’Abbaye Saint-Nicolas et à l’arrière du cinéma le Trianon, la tour est le seul témoin de l’architecture militaire vernolienne.

Verneuil-sur-Avre

Lorsqu’on pénètre pour la première fois dans cet édifice, ce qui nous frappe le plus c’est l’épaisseur des murs : 4 mètres constitués d’un épais alliage de silex et de métaux ferrugineux que l’on appelle Grison. De ce fait, à l’intérieur, l’atmosphère est fraîche et humide. Un chant médiéval est diffusé en fond sonore, probablement la voix de Luc Arbogast, ce célèbre contre-ténor qui se produit dans toute la France et notamment durant plusieurs années consécutives à l’occasion de la Fête des Gueux à Verneuil-sur-Avre.

Au centre de la pièce, dont le diamètre ne dépasse pas les 9 mètres, une magnifique maquette est exposée sous vitrine. Elle représente Verneuil-sur-Avre au XIIIème siècle, avec ses 3 quartiers fortifiés, ses remparts, son château et ses 7 églises. Derrière moi, 3 soldats armés et en habit d’apparat me fixent d’un regard éteint.  Il s’agit en fait de célèbres Ducs de Normandie que sont Rollon, Guillaume Le Conquérant et Henri Ier Beauclerc. A cet endroit, on trouve des explications sur le Duché de Normandie et ses Ducs.

Plus loin, une imposante cheminée abrite un coffre au trésor verrouillé par un cadenas. Il s’agit là du trésor de la Tour. Les visiteurs sont invités à en trouver le code au cours de leur visite pour l’ouvrir. Le code et la thématique de la chasse au trésor varient à chaque vacances scolaires. Les jeunes et les moins jeunes se prêtent au jeu avec plaisir.

Sur cette première pièce on trouve également de drôles d’instruments qui font froid dans le dos ! En effet, d’horrifiantes pinces, chaises, cage et tables illustrent un laïus sur la torture dans la justice médiévale. A vous d’imaginer le supplice qui correspondait à chaque outil…

Avant d’ouvrir la petite porte qui donne sur un escalier de pierre, je remarque sur ma droite des photos plutôt insolites. On y découvre la Tour Grise avec un étrange chapeau… Si vous lui demandez, le jeune homme qui assure l’accueil vous racontera l’histoire de Léon Duval-Lampérière. En 1889, cet homme achète la Tour Grise et la transforme en hôtel. Il défigure le monument historique avec des ajouts et des modifications fantaisistes qui aboutirent à son déclassement en 1892. Effectivement, en levant la tête, on aperçoit encore aujourd’hui des bustes, des inscriptions et autres fantaisies architecturales. Mais cet homme que l’on dit « orgueilleux et déséquilibré » ne s’arrête pas à cet outrage. Il est accusé « d’excitation de mineures à la débauche et outrages ». En effet, il sera condamné à fermer son établissement pour y avoir proposé les services de jeunes filles dans les chambres. Ce n’est qu’environ 50 ans plus tard que la Tour Grise devient propriété de la Ville.

gardien de la tour grise Verneuil

J’emprunte l’escalier qui mène à la « Salle de la Bataille« . Quelle bataille, me direz-vous ? Et bien, l’une des plus sanglantes de la Guerre de Cent Ans qui eu lieu ici, à Verneuil-sur-Avre, en 1424. A l’époque de l’occupation anglaise, 11 000 français et 7 000 écossais tentèrent de reconquérir la ville. Tentative qui se soldera par un échec cuisant. Une maquette illustre les mouvements des troupes et une vidéo réalisée par le célèbre youtuber Nota Bene nous explique les détails de cette histoire.

Nous sommes également cernés par des soldats : archer anglais, chevalier français et arbalestier. Une sorte de canon attire mon attention. C’est une bouche à feu du XIIIème siècle, comme l’une de celles qui auraient été utilisées sur le champ de bataille. Ici, on évoque également cet événement par la peinture de la vierge au manteau, œuvre ornant les murs de l’église Saint-Etienne de Laval en Belledonne (Isère).

© Eye Eure Productions

Je poursuis mon ascension et je tombe encore sur une sorte de renfoncement qui me permets d’admirer la Salle de la Bataille avec un peu de hauteur.

Quelques marches encore et je sens le vent s’engouffrer dans la tour. J’arrive au chemin de ronde. Bien à l’abri des intempéries sous ce toit, j’observe un panorama à 360°C sur la ville de Verneuil. A 45 mètres de haut, je peux voir la campagne s’étendre à perte de vue au sud de la ville. J’aperçois de nombreux clochers pointés vers le ciel : la tour de l’église Sainte-Madeleine, le clocher de l’église Notre-Dame, celui de l’église Saint-Nicolas, de l’ancienne chapelle de l’hôtel-Dieu, de l’ancienne église Saint-Jean… Je distingue les façades à damiers de la bibliothèque et de l’ancien tribunal. J’entrevois très clairement l’aile est de l’abbaye Saint-Nicolas. Grison, pans de bois et silex s’entremêlent dans ce véritable paysage de carte postale.

Outre l’exposition historique, la Tour Grise abrite également une boutique. Des ouvrages sur la bataille de 1424, le château de Verneuil-sur-Avre ou l’Abbaye St-Nicolas y sont en vente. Pour les enfants, le livre jeu « La route du Grison », des épées ou costumes leur permettront de découvrir le patrimoine médiéval du territoire tout en s’amusant. Pour ceux qui souhaitent un objet souvenir ou à offrir, ils y trouveront des sets de table à l’effigie de la tour, un drapeau normand ou encore la 1424, une bière blonde aux copeaux de chêne conçue par la brasserie Boujou, située à Chennebrun à 14 km d’ici.

Ma visite de la Tour Grise aura duré 45 minutes environ. Pour ceux qui désirent en apprendre un peu plus sur le monument, les chroniques palpitantes de cet édifice et ses reconversions insolites au fil du temps, des visites guidées sont possibles sur demande auprès de l’Office de Tourisme.