Il y a des balades qui marquent votre mémoire. Le circuit Avre de Nature est de ceux-là ! Je ne pouvais pas faire l’expérience de ce parcours sans la partager !
Il y a quelques années, je parcourrais ce même chemin en plein hiver, sous une fine neige, en compagnie de deux Montignois (habitants de Montigny-sur-Avre) passionnés de nature et de patrimoine. L’objet de cette promenade était la création d’un circuit de randonnée pédestre mettant en avant les richesses naturelles et patrimoniales des communes de Montigny-sur-Avre et de Courteilles. 3 ans plus tard, un livret gratuit voyait le jour. Il commente et illustre ces chemins de randonnée balisés permettant de parcourir 3, 6 ou 12 km au bord de la rivière Avre.
En cet après-midi d’août, je retourne sur ce chemin avec des conditions météorologiques bien plus favorables. Me souvenant parfaitement d’une portion du circuit, je décide de ne parcourir que la moitié du chemin.
Stationnée devant la Mairie de Montigny-sur-Avre, j’enfile mes chaussures de randonnée quand j’aperçois une famille coiffée de chapeaux et munis de bâtons de randonneur prendre la route avec, dans les mains, le fameux livret « Avre de Nature ». Nous échangeons un sourire complice sachant que nous partons sur le même chemin.
La promenade débute donc au cœur du village avec une vue sur l’église Saint-Martin où fut baptisé, au 17ème siècle, François de Laval de Montmorency, premier évêque du Québec, qui donna son nom à la ville de Laval et à son université. Une plaque commémorative scellée dans le mur de la nef, rappelle les liens du village avec ce grand homme béatifié par Jean-Paul II en 1980.
Quelques mètres plus loin, nous approchons le Château de Montigny, où naquit l’homme cité ci-dessus. La bâtisse, classée aux Monuments Historiques, possède un magnifique parc à l’anglaise avec plantations, jeu de rivières et cascades.
Je poursuis mon chemin vers la forêt. Je remarque que le balisage est clair et précis. Impossible de me perdre. A l’orée du bois, je fais face à une interminable avenue rectiligne avec un relief variable. La lumière s’estompe au cœur de cette forêt magnifique. Il y fait plus frais. J’entends le vent souffler dans les feuillages et les arbres semblent converser entre eux par des grincements et de gracieux balancements.
Cette « avenue » est en fait le tracé de l’Aqueduc de l’Avre qui est encore souterrain à cet endroit. Cet ouvrage, inauguré en 1893, alimente Paris en eau potable depuis sa source située à Rueil la Gadelière, à peine 3 kilomètres en amont. Quelle étrange sensation de savoir que, sous mes pieds, s’achemine jusqu’à 100 000 m3 d’eau depuis notre paisible campagne jusqu’à la capitale, une centaine de kilomètres plus loin !
Au beau milieu de cette allée, en pleine forêt, surgit une étrange construction : une porte de bois entourée d’une tourelle de pierres et de briques. Je me sens un peu comme Alice au Pays des Merveilles et je m’attends à voir surgir de derrière cette porte, un lapin et sa montre gousset criant qu’il est en retard ! C’est en fait un regard d’accès à l’aqueduc. J’en croiserai plusieurs de différentes tailles, tout au long de ma promenade.
e débouche en bordure de plaine agricole pour pénétrer de nouveau sur un sentier forestier sinueux. Je croise un vététiste qui peine à terminer l’ascension du chemin empierré. Autour de moi, je repère à l’aide du livret, des fougères, des orties, du genet, de la callune, des Jacynthes, du chèvrefeuille ou encore des mélittes à feuilles de mélisse. Au delà du plaisir des yeux que procure cette variété de plantes des prés et des forêts, il me revient à l’esprit quelques recettes de cuisine sauvage…
Plusieurs dizaines de papillons virevoltent autour de moi. Ils ne me quitteront plus jusqu’à la fin de la balade ! Des jaunes, des blancs, des rouges… C’est magique ! Alors que je peine à saisir l’un d’entre eux avec mon appareil photo, un bruit sourd de feuillage surgit derrière moi. J’imagine aisément une biche, un renard ou pire… un sanglier à moins de 2 mètres de moi ! Réflexe stupide : je me mets à hurler avant de fuir en courant. Heureusement, je ne suis pas suivie. La bête a eu aussi peur que moi. Et je me sens bien ridicule ! Je reprends mes esprits et poursuis mon chemin l’air de rien.
En sortant du bois, je me trouve face au Moulin des Planches. Cet ancien moulin, remarquablement restauré, est aujourd’hui une salle de réception avec hébergement pour des réunions familiales dans un cadre magnifique. Je traverse une première fois la rivière Avre.
Le pied sur le bitume, je grimpe jusqu’en haut de cette impasse avant d’arriver sur un plateau. Là, je suis un chemin de terre au beau milieu des champs. Le vent est frais, mais le soleil tape dure. Je fais une pause pour boire un peu d’eau et me coiffer d’un chapeau. Les papillons sont toujours là et m’encouragent à reprendre la route au milieu de ces paysages verdoyants à perte de vue.
J’approche quelques maisons puis retourne sur la route goudronnée. A la vue du marquage rouge et blanc, je sais que je marche sur le GR22, le mythique chemin des miquelots allant de Paris vers le Mont-Saint Michel.
La pente est de nouveau descendante et j’arrive devant le portail du Château du Jarrier. Cette propriété privée fut bâtie en 1883 par un professeur de chimie à la Sorbonne passionné par l’architecture néogothique de Viollet-le-Duc. La maison du gardien et les communs, bien visibles depuis la route, associent les pans de bois aux jeux de briques.
C’est alors que je croise le chemin d’un petit chien qui se repose dans l’herbe fraîche du bord de route. Je le salue. Le coquin entame alors une filature à distance raisonnable. Il me suivra durant près de 15 minutes avant de, finalement, retourner à sa maison.
Je ne le vois pas, mais je passe devant les vestiges du château de Courteilles. Erigé au XVIIIe siècle par le marquis de Courteilles et Gouverneur de Verneuil, cette immense bâtisse nécessita la destruction des remparts de la cité médiévale de Verneuil pour le réemploi de ses pierres. Plus tard, Alexandrine-Rosalie, épouse du Duc de Richelieu y vécut séparée de son mari. La tombe de la duchesse est toujours visible à l’église de Courteilles devant laquelle je passerai un peu plus loin.
Pour l’heure, pas de château en vue. Et pour cause : en 1849, les héritières, accablées de dettes, vendirent la propriété à deux spéculateurs qui démolirent aussitôt les trois quart du château pour en vendre les matériaux. L’extrémité de l’aile gauche, préservée, fut saccagée sous l’Occupation et tomba en ruine.
Au carrefour, avant de descendre vers l’église, j’aperçois à quelques mètres un petit oratoire le long de la route. Il s’agit d’une Mariette. Ces petites maisons abritant généralement une piétà, témoignent de la foi chrétienne et de la gratitude de croyant venus solliciter la grâce de la Vierge Marie.
Je rejoins l’église de Courteilles. Son cimetière conserve le souvenir de la famille de Courteilles à travers les sépultures de ses différents membres dont Alexandrine-Rosalie.
Je traverse divers bras de l’Avre avant de m’engager sur l’allée du Larry dont subsiste la grille d’entrée de cette ancienne allée seigneuriale. Cette allée arborée est également une portion du mythique GR22 allant de Paris au Mont-Saint-Michel. Je longe l’Avre par la rive sud.
Enfin, je débouche sur une impasse résidentielle. Avant de rejoindre le centre de Montigny et mon point de départ, je suis encore sur quelques mètres le GR22 afin de m’approcher un peu plus de l’Avre. J’accède à une passerelle qui me permets d’admirer les vannages d’un ancien moulin. Puis je retourne dans l’impasse.
Ici le calme et la tranquillité sont le paradis des riverains. J’aperçois une femme assise dans son jardin, absorbée par la lecture d’un roman. Respectant son intimité, je passe mon chemin en silence.
Le circuit Avre de Nature a tenu ses promesses. Un véritable havre de paix en pleine nature. Une randonnée à parcourir sans modération !